[J’ai (re)vu] Call me by your name

Bonjour, ou bonsoir ! C’est en regardant Gazon maudit hier que j’ai choisi de proposer un cycle cinéma un peu particulier, un #cyclelgbtq+ sur ce blog. Je parlerai ainsi de films que j’ai aimés ou plus ou moins appréciés, parfois détestés et d’autres que je trouve un peu naïfs ou clichés, avec du recul aujourd’hui.

Je commence donc avec Call me by your name, récemment chroniqué ici dans cet article https://unefrancaisedanslalune.com/2021/10/31/jai-vu-les-films-vus-recemment-septembre-octobre-2021/.

Dans ce cycle je propose de chroniquer les films suivants, vus au gré de leur sortie : Imagine Me & You, Moonlight, La Vie d’Adèle, Philadelphia, 120 battements par minute, Naissance des pieuvres, Laurence Anyways, Gazon Maudit, Brokeback Mountain, Carol, Les Garçons et Guillaume à table !, Love, Simon, The Hours, L’inconnu du lac, A single man, Harvey Milk, Les Bostoniennes, etc. D’autres suivront…

Synopsis : Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. 

De Luca Guadagnino ; Par James Ivory, André Aciman

Avec Armie Hammer, Timothée Chalamet, Michael Stuhlbarg

Mon avis court : ⭐⭐⭐⭐/ 5 Une parenthèse enchantée, le temps d’un été. Ce film adapté du roman éponyme par James Ivory (réalisateur des Vestiges du jour) suit les premiers frémissements amoureux d’un adolescent dans la campagne italienne. A la faveur d’une image et d’une photographie impeccable, le réalisateur capture le jeu magnifique d’acteurs sublimés par la simplicité des situations et des scènes. Armie Hammer est plus beau que jamais, Thimothée Chalamet se révèle un acteur incroyable, charismatique et sur le fil, Amira Casar fait de très jolies apparitions. Contemplatif mais aussi sensible, le film saisit des instants dramatiques et des moments de grâce sans entrer dans le pathos, en filmant les corps au plus près. On entre dans la famille d’Elio Perlman comme si nous y étions invités. Un bijou romantique et érotique, même si je conseille de lire, comme moi, le roman juste avant, puisque la fin n’est pas exactement semblable.

Contemplatif dans l’écriture et dans l’image

James Ivory est un cinéaste américain dont le cinéma est connu pour être lent et contemplatif. Après une formation dans la décoration pour le cinéma et des études aux Beaux-Arts, on sent qu’il ambitionne de faire un cinéma exigeant, à la manière d’un artiste peintre, curieux de tout et surtout des langues et cultures étrangères. Son cinéma porte toujours un regard nostalgique sur les choses, notamment dans Les vestiges du jour (1993) et dans Retour à Howards End (1992). C’est aussi un cinéma élégant, un peu aristocratique, dans lequel on voit évoluer Anthony Hopkins ou Emma Thompson, un majordome et ses regrets dans une famille anglaise des années 50; ou encore Helena Bonham Carter, Daniel Day-Lewis et Maggie Smith dans Chambre avec vue (1966) lors d’un voyage à Florence puis à Athènes. Filmer dans des villes européennes ou dans des campagnes italiennes ou anglaises, et filmer des adaptations de romans, voilà la recette d’un bon James Ivory. Il a en effet porté à l’image le roman d’E.M. Forster (Chambre avec vue, Retour à Howards End), de Henry James (Les Bostonniennes), de Kazuo Ishiguro (Les vestiges du jour) et le roman d’André Aciman (Call me by your name). C’est donc en tant que scénariste qu’il s’attaque à cette histoire mais on sent son influence dans la réalisation de Luca Guadagnino.

Luca Guadagnino est un réalisateur italien habitué aux documentaires puis aux longs métrages interculturels. Il a notamment fait grand bruit avec sa relecture du culte horrifique de Suspiria (2018). Il a réalisé plusieurs films sur la passion amoureuse naissante (Amore, 2009, et Melissa P., 2005).

Romantique ou naturaliste ?

C’est peut-être cette habitude des documentaires qui a rendu le film Call me by your name si maniéré dans la façon de regarder la nature, les choses et les corps. Le film est en effet traversé de silences et de bruits ambiants, imprégné de verdure et de chaleur. Car c’est là le côté précieux du long métrage : on ressent la chaleur, pesante, on ressent la fraîcheur la nuit ou quand les portes claquent avec le vent, on sent la passion et le rejet. Si l’histoire d’amour peut sembler légèrement idéalisée, romancée, puisqu’elle a été écrite pour un roman au départ, il n’en reste pas moins un grain unique, une originalité dans le style, qu’on pourrait dire presque naturaliste. Le naturaliste s’oppose en littérature et en peinture au romantisme. Parmi les « images-pulsion » selon la définition du naturalisme par Gilles Deleuze, on repense aux moments de chagrins et de colère vécus par le personnage principal, aux scènes filmant la campagne, aux plans séquences sans dialogue… la caméra est plutôt statique, lente, elle suit les mouvements des acteurs, leurs pas, leur apathie, leur tristesse, leurs élans.

Mais d’un autre côté, Call me by your name est terriblement romantique. La romance y est idéalisée, les intentions explicites, les jeux de séduction, la moiteur de l’été, les soirées en famille, la nostalgie des vacances estivales. Chaque moment du film semble rappeler un instant mélancolique, rêveur, poétique. On ressent le spleen, l’ennui mais aussi la torpeur.

Des corps et des âmes malmenés

Le choix des acteurs est assez classique. Deux acteurs « montants », Armie Hammer et Timothée Chalamet, côtoient des acteurs et actrices déjà présents depuis longtemps au cinéma : Michael Stuhlbarg et Amira Casar. Armie Hammer trouve là son rôle le plus iconique depuis le lancement de sa carrière. On le connaissait pour des petits rôles masculins dans des séries telles que Desperate Housewives et Gossip Girl. Son parcours ne présageait pas qu’il choisirait ce film. Aujourd’hui empêtré dans un scandale sexuel (lien d’un article sur ce sujet), il a tout de même tourné dans quelques bons films (The Social Network de David Fincher, Lone Ranger avec Johnny Depp, J. Edgar de Clint Eastwood, etc.). Mais le plus brillant des choix reste Thimothée Chalamet, révélation de ce film, décrochant sa première nomination aux Oscar en tant que meilleur acteur face à Gary Oldman, Denzel Washington et Daniel Day Lewis. Après ce film, sa carrière a décollé et l’a amené à paraître à l’affiche de The French Dispatch de Wes Anderson et de Dune par Denis Villeneuve, où il se révèle être encore meilleur que dans Call me by your name.

Si les points positifs résident dans la manière de filmer les décors, les alentours, l’ensemble du casting lors des petits déjeuners le matin ou autour de la piscine, le trait est plus caricatural et exagéré lorsque le réalisateur italien s’approche des visages et des corps en plans rapprochés, expressifs, s’attardant sur les bouches crispées, les larmes, les corps étendus dans l’herbe. C’est un peu le reproche fait dans d’autres histoires de passion amoureuse telle que La Vie d’Adèle.

Finalement, le film est une réussite, même s’il comporte quelques défauts esthétiques et des choix un peu malheureux lorsque les corps sont filmés. Je retiens surtout un film émouvant, plein de mélancolie et de nostalgie. Un moment de grâce, une fin déchirante et une excellente bande sonore.

A bientôt pour la suite !

Signé Tassa