Les films américains durent 2h, les films anglais finissent trop tôt… [cinéma]

Quand on est cinéphile, on est souvent confronté à la déception. Parce que nos attentes à nous sont très élevées, nous lecteurs et lectrices de Télérama (non je plaisante je déteste ce journal). La déception au cinéma c’est comme une mauvaise rupture amoureuse, un truc qui ne passe pas. D’ailleurs Peter, écoute je t’en veux toujours, inutile de m’écrire pour me convaincre que le Hobbit c’était bien, et que ça partait d’une bonne intention, je ne te crois plus Peter Jackson, laisse-moi maintenant.

Bref. Passons comme on dit. Une déception au cinéma, ça a le goût de l’amertume, de la nostalgie du bon cinéma. C’est qu’en tant que cinéphiles, on se demande bien pourquoi avoir raté un truc qui aurait pu être un chef d’œuvre ou un excellent divertissement. On se demande comment c’est possible d’écrire un film et de jeter littéralement des millions par la fenêtre pour une erreur de casting à 15 millions de dollars ou pour une aberration scénaristique de plus. On se dit « non mais attends, le gars, il avait de l’or entre les mains, et il en a fait une sorte de plastique kitsch dégueulasse ». Ça arrive. Voici donc l’histoire d’une déception amoureuse puis d’un mini coup de foudre. Parce que l’amour au cinéma, ça revient toujours alors que le dégoût de l’autre peut durer 2h. Ouf.

Il y a une déception amoureuse pour laquelle je ne me remets toujours pas. C’est Tom. Tom, tu me déçois toujours, pourtant j’ai regardé tous tes films, notre relation a toujours été forte et belle d’un point de vue strictement cinéphile. Et puis, je ne sais pas, je n’ai jamais accepté ton vrai visage. Alors là, écoute Tom, dans Vanilla Sky, ça a été la goutte qui fait déborder le vase. Pourtant à l’époque en 2001, Tom Cruise tu étais primesautier, plutôt bien fichu du point de vue musculaire, mais tu avais déjà l’air d’un type peu recommandable. La caméra de Cameron Crowe te filmait seul dans les rues de New York avec ton air inexpressif d’huître fermée un jour d’automne, courant comme un taré parce que tu faisais un énième cauchemar de milliardaire.

Vanilla sky est un remake américain du film espagnol Ouvre les yeux d’Alejandro Amenábar (1997). Ce film raconte l’histoire d’un patron de la presse à New York, embêté par son conseil d’administration parce qu’il prend son métier plutôt à la légère (hérité de son papa), et qui couche avec sa copine Cameron Diaz et flirte avec une inconnue (Penelope Cruz). Le film change brusquement de ton lorsque Tom Cruise est victime d’un terrible accident de voiture, le laissant dévisagé après une chirurgie réparatrice.

Il y a deux choses qu’on peut noter :

– C’est une déception parce que le remake américain n’est que purement matérialiste. C’est un film qui ne cherche pas l’empathie des spectateurs mais qui veut faire du sensationnel, dans la grande veine des thrillers US. Pourtant même le Silence des Agneaux est mieux fait et ne tombe pas dans la caricature de ses personnages comme Vanilla Sky. Matérialiste ? Parce que la caméra de Cameron Crowe est plus portée sur les choses que sur les êtres. Le seul être épatant de ce film, c’est Pénélope Cruz, dont on tombe immédiatement amoureux qu’on soit un homme ou une femme. Pour le reste, ce n’est qu’un fatras d’idioties, Tom Cruise y est méchant du début à la fin, pas du tout intéressant, déambulant avec ses bras pour ne parler que de sa petite personne, Cameron Diaz également, paradant nue ou jalouse, et le meilleur ami est assez antipathique, car on sent de suite sa jalousie. Il n’y a donc qu’à Penelope Cruz qu’on peut se raccrocher, frêle branche qui va craquer à partir de la seconde moitié du film.

– Deuxièmement, filmer l’horreur et le suspense, ça a toujours existé et c’est souvent très bien fait. The Usual Suspects, Seven, Shutter Island, Le silence des Agneaux ou Memento sont des réussites centrées sur le personnage principal, et l’empathie qui s’en dégage, alors que Vanilla Sky c’est l’inverse, vous n’allez jamais apprécier Tom Cruise, vous aurez envie qu’il meurt. Et comme il met 2h pour mourir, ça fait mal au ventre de rester devant un film où même le médecin psy Kurt Russell est chiant à en mourir, alors qu’il est censé être celui qui apporte de l’humanisme à la bête qu’est devenue Tom Cruise.

Vanilla Sky est raté parce que même s’il commence par du Radiohead et que la bande son n’est pas mal, Cameron Crowe en a fait justement un produit du cinéma US mainstream, à consommer, sans chercher à retranscrire le message derrière le film. À l’opposé du très réussi, sensuel et effrayant La Piel que habito de Pedro Almodóvar; thriller adapté du roman de Thierry Jonquet, Vanilla Sky devait être un film encore plus sensuel, une histoire de peau, de visage, d’identité et d’acceptation, un récit violent qui parle de quelque chose qui dépasse le protagoniste. Or, ici il n’est même plus question de monstre, il n’est question que de crise de nerfs de la part des femmes et de pétages de plomb d’un gosse de riche. Dommage de réduire tout cela à un film rapidement rendu désuet. Alors que les films avec des rêves dans des rêves ça existe et c’est plutôt pas mal fichu, de Donnie Darko en passant par Inception (critiqué ici) et Le labyrinthe de Pan.


Passons maintenant au coup de foudre. Ah les coups de foudre, en général, au cinéma, c’est assez rare mais il en existe. Pourtant je n’attendais pas grand chose d’un film de Richard Curtis parce qu’il m’a lui-même déçue assez souvent. Le réalisateur et scénariste m’avait outrageusement ennuyée avec Quatre mariages et un enterrement, les stéréotypes de Love Actually et du Journal de Bridget Jones : L’âge de raison. De lui, je préfère me souvenir de Coup de foudre à Notting Hill, le premier Bridget Jones et Good Morning England.

J’ai donc regardé Il était temps. Et il était temps que je le regarde. Si ce film a eu un succès mitigé dans les pays anglophones et encore moins en France, c’est que ses deux têtes d’affiche n’ont pas su motiver les foules. C’était en effet un pari risqué que de se séparer de son acteur fétiche, trop vieux alors pour le film (Hugh Grant, rentre chez toi). Fidèle à sa recherche d’un « british » qui fasse « jeune adulte puis homme mûr de tous les jours lorsqu’il est mal rasé », comme Hugh Grant en son temps, Richard Curtis a trouvé Domhnall Gleeson (acteur irlandais inconnu chez nous sauf en tant que Bill Weasley dans Harry Potter). Quant au personnage féminin, il a choisi Rachel McAdams (actrice canadienne à la carrière montante en 2013). Curtis excelle à trouver des rôles secondaires attachants, le génial Bill Nighy, l’épatant Tom Hollander, la tendre Lindsay Duncan et les deux excellentes Margot Robbie et Lydia Wilson, rayonnent à travers le film et lui donnent une exceptionnelle vitalité, sans quoi l’histoire aurait pu faire pschitt.

Le scénario est simple : Tim apprend du jour au lendemain qu’il peut voyager dans le temps. Il y a cependant certaines conditions qui lui sont difficiles à accepter, comme celles de ne pas pouvoir aider ses proches sans modifier des choses importantes de sa vie. Ce script s’inspire du cinéma fantastico-britannique qu’on retrouve à la télévision avec Doctor Who.

J’aime beaucoup les fictions autour des voyages dans le temps. Notre rapport au temps y est souvent questionné de manière très juste. Il n’y a qu’à voir à quel point on chiale devant Retour vers le futur, 30 ans sinon rien, Entre deux rives, Un jour sans fin… ne me parlez pas des Visiteurs sinon je vous tape !!!

Les films anglais sont toujours très attachants, tendres et drôles avec ce sérieux pince sans rire et très éloigné du virilisme et du machisme américains, une tendance british très Colin Firthienne (oui il a un adjectif à son nom). Il n’y a qu’à voir les films d’Edgar Wright (Shaun of the dead et Hot Fuzz), Paul, Les Monty Python, Good Morning England, Coup de foudre à Notting Hill (où je suppose que vous avez remarqué que le rôle homme-femme est inversé) ou Le discours d’un roi pour s’en convaincre.

De fait, je peux dire que si les films américains durent 2h pour ne rien dire parfois, les films anglais, eux, ne durent jamais assez longtemps. J’aurais aimé rester plus longtemps auprès de cette famille britannique, de cette romance originale, de ces personnages hauts en couleur, avec une bande son du début des années 2000 qui m’a beaucoup réjouie. La bonne recette d’un Richard Curtis, mais qui, se sentant lui aussi vieillir, nous laisse avec nos peines, nos regrets et notre nostalgie du passé, la larme à l’œil, dans un coin pluvieux-ensoleillé des Cornouailles. Merci Richard.

Tassa, vers l’infini et l’au-delà.

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